jeudi 4 septembre 2008

Délégué du personnel délit d'entrave

06-84.599
Arrêt n° 4981 du 25 septembre 2007
Cour de cassation - Chambre criminelle


Rejet


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Demandeur(s) à la cassation : M. Eric X..., M. Franck Y..., société Applima
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Statuant sur le pourvoi formé par :


- X.. Eric,

- Y... Franck,

- La société Applima, civilement responsable,


contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 17 mai 2006, qui, pour entraves à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel et harcèlement moral, a condamné les deux premiers à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;




Vu les mémoires produits en demande et en défense ;




Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 424-4 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ;




"aux motifs que, sur le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, le tribunal a tout d'abord exactement retenu, au vu des pièces du dossier et des déclarations concordantes des parties, qu'Eric X... et Franck Y..., ès qualités, n'ont tenu, au cours des années 2003 et 2004, que sept des vingt-deux réunions prévues par l'article L. 424-4 du code du travail et qu'ils ne rapportent ni la preuve qu'ils auraient été dans l'impossibilité, seule constitutive de force majeure, de les tenir en raison de leur présence dans les locaux limitée à une demi-journée par semaine ou par mois, ni qu'en ayant mis en place d'autres moyens de communication avec les délégués du personnel, tels des courriers électroniques, non-constitutifs d'un fait justificatif, ils établiraient le caractère involontaire du défaut de respect de la prescription susvisée ; qu'il ressort au contraire des échanges de courriers électroniques que les prévenus ont été sollicités par Florence Z..., déléguée adjointe, puis titulaire, à plusieurs reprises pour organiser la réunion mensuelle légale ;




"1°) alors qu'aux termes de l'article L. 424-4 du code du travail « les délégués sont reçus collectivement par le chef d'établissement ou son représentant au moins une fois par mois » et qu'il en résulte que lorsque, comme en l'espèce, ainsi qu'il ressort des pièces de la procédure, l'entreprise ne comporte qu'un seul délégué du personnel, la mise en place par l'employeur d'autres moyens de communication avec l'unique délégué du personnel, tels des courriers électroniques, exclut toute infraction et, en tout état de cause, établit le caractère involontaire du défaut de respect de la tenue de la réunion mensuelle ;




"2°) alors que les juges correctionnels sont tenus de répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, contrairement aux allégations de la partie civile, les réunions entre la direction et la déléguée du personnel ont été soit régulièrement tenues, soit, avec son accord, reportées, soit enfin, dans quelques hypothèses, différées pour cause de charge exceptionnelle de travail ou d'indisponibilité de l'une des parties, sans jamais pour autant que le dialogue social ne soit rompu, et qu'en se bornant à reproduire, en la résumant, la motivation des premiers juges sans s'expliquer sur ces chefs péremptoires de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;




Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du code pénal, L. 424-4 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel.




"aux motifs qu'aux termes du même article L. 424-4, le chef d'entreprise peut, au cours des réunions avec les délégués prévues par ce texte, se faire assister par des collaborateurs, lesquels, ensemble, « ne peuvent être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires ; que le tribunal a justement relevé que la présence d'Ulricke A..., chargée par les directeurs du secrétariat de ces réunions, n'était pas salariée de la société Applima, partant n'avait aucune qualité pour assister à ces réunions, même à titre de « simple scribe » - selon l'expression des prévenus, pourtant contredite par leur propre argument relatif au report de certaines réunions à raison de l'absence de cette responsable, et peu vraisemblable à la lecture des courriers électroniques démontrant son rôle essentiel dans la préparation et le suivi de ces réunions -, en sorte que la violation de la disposition susvisée est d'autant mieux établie que Florence Z... s'y est opposée avec force en tout cas à compter du 13 juillet 2004 ;




"1°) alors que la prohibition susvisée de l'article L. 424-4 du code du travail ne s'applique qu'aux collaborateurs « assistant » le chef d'établissement ou son représentant, ce qui n'est pas le cas de la personne qui assume le secrétariat et assiste, par conséquent, aussi bien les délégués du personnel que le chef d'établissement ou son représentant ;




"2°) alors qu'aucune disposition de la loi ne subordonne la tenue du secrétariat de la réunion mensuelle à la qualité de salariée du secrétaire" ;




Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 424-2 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ;




"aux motifs qu'en décidant, vu l'article L. 424-2 du code du travail donnant à l'employeur l'obligation de mettre, hors le cas de force majeure, à la disposition des délégués un local leur permettant de remplir leur mission, que les prévenus, qui ne contestent pas avoir opposé à Florence Z... un refus en septembre 2004, se sont contenté d'évoquer des « contraintes matérielles » comme les travaux de rénovation des locaux, lesquels peuvent constituer une difficulté admise par la partie civile, non un événement irrésistible, le tribunal a fait une exacte application du droit aux faits de l'espèce ;




"1°) alors que les juges correctionnels ont l'obligation de répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, compte tenu des importants travaux de rénovation affectant le local spécifique susceptible d'être mis à la disposition des délégués du personnel - travaux entraînant nécessairement son indisponibilité -, ils avaient proposé à Florence Z... de mettre à sa disposition des bureaux libres d'occupation à sa convenance, et qu'en ne s'expliquant pas sur cet argument péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;




"2°) alors que l'indisponibilité pour travaux du local spécifique susceptible d'être mis à la disposition des délégués du personnel fait, par elle-même, disparaître l'élément intentionnel de l'infraction" ;




Les moyens étant réunis ;




Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Florence Z..., salariée de la société Applima, a, sur le fondement de l'article L. 482-1 du code du travail, fait citer devant le tribunal correctionnel Eric X... et Franck Y..., respectivement président et directeur général délégué de la société, en leur reprochant, notamment, d'avoir, au cours des années 2003 et 2004, fait entrave à l'exercice régulier de ses fonctions de déléguée du personnel ;




Attendu que, pour dire établies les infractions poursuivies, les juges du fond retiennent qu'au cours de la période visée à la prévention, Eric X... et Franck Y..., qui ne justifient d'aucune impossibilité de satisfaire aux prescriptions légales, n'ont tenu que sept des vingt-deux réunions exigées par l'article L. 424-4 du code du travail, malgré divers échanges de courriers électroniques démontrant que la tenue des réunions avait été réclamée par la salariée, unique déléguée du personnel ; que les juges ajoutent que lorsqu'elles ont eu lieu, les réunions se sont déroulées en présence d'un tiers, Ulrike A..., qui a joué un rôle essentiel dans la préparation et le suivi des réunions, en méconnaissance des dispositions du texte susvisé prévoyant que le chef d'établissement ou son représentant et les collaborateurs l'assistant ne peuvent être en nombre supérieur à celui des délégués, et que les prévenus, bien qu'ils invoquent des travaux de rénovation effectués dans l'entreprise, ne justifient pas de l'impossibilité de satisfaire à l'obligation, imposée par l'article L. 424-2 du code susvisé, de mettre à la disposition des délégués un local conforme à ce texte et leur permettant de remplir leur mission ;




Attendu qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions des parties, a caractérisé les éléments tant matériels qu'intentionnel des délits retenus et ainsi légalement justifié sa décision ;




Qu'en effet, d'une part, l'article L. 424-4 du code du travail n'instituant aucune dérogation au principe de la réception mensuelle exigée par ce texte lorsque l'entreprise ne comporte qu'un seul délégué du personnel, l'inobservation de cette obligation ne peut être justifiée, hors le cas de force majeure, que si elle a pour cause le refus ou la défection du délégué lui-même ;




Que, d'autre part, la pratique tendant lors de cette réception mensuelle à imposer la présence, en surnombre, d'un tiers choisi par le chef d'établissement est de nature à porter atteinte à l'exercice des fonctions représentatives ;




Qu'enfin, il résulte de l'article L. 424-2 du même code, que le chef d'établissement est tenu, hors le cas de force majeure, de mettre à la disposition des délégués du personnel un local adapté à l'exercice de leur mission ;




D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;




Sur le quatrième moyen de cassation, pris, de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-32-2 du code pénal, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables de harcèlement moral et les a condamnés à payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à Florence Z... ;




"aux motifs qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la lecture des avertissements donnés par deux fois à la partie civile, des courriers échangés par les parties et des attestations produites aux débats, que, dans un contexte de reprise en mains de la société Applima par Eric X... et Franck Y..., ces derniers ont cherché à mettre en place, par une succession d'agissements contestables dont la déléguée du personnel suppléante a été la victime essentiellement après le départ du délégué titulaire intervenu en mars 2003, lorsqu'elle s'est opposée à la remise en cause des avantages des salariés, et jusqu'à son propre licenciement décidé au lendemain de leur condamnation par les premiers juges, une organisation différente de celle qui existait antérieurement et faisant fi des acquis sociaux du personnel ; qu'aux termes d'une première lettre remise non cachetée par sa supérieure directe le 23 janvier 2004, Florence Z... a fait l'objet d'un avertissement sérieux pour des manquements répétés commis en août 2003, puis en janvier 2004 dans deux dossiers dont elle était, selon ses directeurs, entièrement responsable et constituant des fautes graves et matériellement caractérisées ; qu'en réponse aux courriers de contestation opposée par l'intéressée, faisant en particulier valoir qu'elle avait été spécialement déchargée de l'un de ces dossiers par ses supérieurs qui l'avaient confié à une autre assistante, afin qu'elle-même puisse s'occuper d'un nouveau dossier dont l'enjeu était déterminant pour le cabinet, les prévenus ont adressé à la déléguée du personnel plusieurs lettres successives (29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004) comportant à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties ; qu'alors qu'un second avertissement a été adressé le 3 novembre 2004 à Florence Z... pour refus d'obéissance à une instruction relevant, selon les prévenus, de leur strict pouvoir de direction, non seulement, il est établi par le dossier qu'une bonne partie du personnel a fait part à Dominique B..., leur supérieure hiérarchique directe, de l'impossibilité de mener la mission de mise à jour des portefeuilles de marques dans le délai imparti, même si seule la déléguée du personnel l'a écrit aux directeurs, tout en leur assurant qu'elle ferait le maximum pour y parvenir, mais il n'est, en outre, nullement justifié que le résultat obtenu par cette dernière ait été différent de celui des autres salariés, pourtant non sanctionnés ; que, de même, alors qu'il apparaît que Florence Z... justifie de bons résultats professionnels, les meilleurs de la société selon ce qu'Eric X... et Franck Y... ont eu l'occasion d'admettre, le tribunal a également relevé à bon droit que la partie civile n'avait pas reçu la prime exceptionnelle pour l'année 2004 en relation avec de tels résultats ; que s'il n'est pas contestable qu'ainsi que le soulignent les prévenus, que d'autres salariés n'en ont pas bénéficié, il convient de noter que, parmi ceux-ci, figurent essentiellement, à côté de l'intéressée, des personnels recrutés en cours d'année ou absents pour cause de maladie ; qu'au surplus, cinq anciens salariés et salariés en congé de maladie, Denis C..., François D..., Sophie E..., Augusta F... et Claudine G... ont attesté et, pour certains, témoigné que, dès leur prise de participation majoritaire à la société Applima, Eric X... et Franck Y... ont entrepris de faire régner sur le personnel et, plus particulièrement, sur la déléguée du personnel, un climat de menaces et d'intimidation, tel que celui qui ressort des documents susvisés ; que, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le lien de subordination existant entre les prévenus, d'une part, et leurs témoins, Danielle H..., déléguée du personnel, et Julie I..., déléguée adjointe, d'autre part, il apparaît qu'en faisant état de la bonne ambiance régnant dans l'entreprise depuis le départ de la partie civile, les témoignages de ces dernières ne contredisent pas ceux des cinq autres personnels de la société portant sur la dégradation des conditions de travail imputable aux directeurs à l'époque antérieure où ils travaillaient pour la société Applima ; qu'enfin, les termes des courriers adressés par Eric X... et Franck Y... à Florence Z... manifestent, au-delà du pouvoir disciplinaire des directeurs sur leur employée, une brutalité et un acharnement à son égard dictés par leur hostilité à sa fonction de déléguée du personnel, ainsi que le confirment les cinq mêmes témoins de la partie civile, notamment Denis C..., délégué du personnel jusqu'en mars 2003 et François D..., P.D.G. licencié en 2004 ; qu'en l'état de ces constatations, il ressort que les conditions de travail de Florence Z... se sont dégradées sous le coup des agissements répétés des deux prévenus qui ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité, jusqu'à sa mise à pied intervenue dans des conditions de grande brutalité, comme à sa santé physique et psychologique, ainsi que l'établissent les certificats médicaux et l'attestation du docteur J..., médecin du travail, versés au dossier ;




"1°) alors que, l'employeur étant libre d'organiser son entreprise comme il l'entend, la réorganisation de celle-ci est insusceptible de constituer en elle-même l'élément matériel du délit de harcèlement moral ;




"2°) alors que l'avertissement, fondé sur des motifs sérieux, adressé par l'employeur à un salarié, est insusceptible en tant que tel de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; que dans la citation ayant saisi la juridiction correctionnelle, Florence Z... faisait valoir que la société Applima, dirigée par Eric X... et Franck Y..., lui avait adressé, le 23 janvier 2004, un avertissement dans lequel ladite société lui reprochait d'avoir omis d'assurer le renouvellement, à son échéance, de la marque « Toxo Latex » n° 1255067, le 23 décembre 2003, en méconnaissance des instructions du client en date du 30 août 2003, et d'avoir omis, au mois d'août 2003, de renouveler, à son échéance, la marque française «demand» n° 93480086, en méconnaissance des instructions du client en date du 26 juin 2003 ; que la société Applima étant conseil en propriété industrielle, un seul de ces manquements était susceptible de constituer une faute grave permettant de justifier un licenciement ; que dans leurs conclusions, régulièrement déposées devant la cour d'appel et de ce chef délaissées, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, le 27 février 2004, l'intéressée avait répondu qu'elle contestait cet avertissement mais qu'elle admettait « qu'il est certain que le fait de manquer l'échéance de renouvellement d'une marque est fâcheux », reconnaissant, ce faisant, la faute qui lui était reprochée ; que dans les motifs ci-dessus reproduits, la cour d'appel reconnaît, implicitement mais nécessairement, qu'au moins une des omissions de renouvellement de marques à son échéance, reprochée à la salariée, était justifiée et qu'en cet état, en retenant, pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement moral, l'avertissement adressé par les prévenus à Florence Z... le 23 janvier 2004, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 222-32-2 du code pénal ;




"3°) alors que les juges correctionnels sont tenus de motiver leurs décisions et qu'en se bornant, pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement moral, à faire état de ce que les lettres adressées par les employeurs à la salariée les 29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004 « comportaient à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties », sans préciser le contenu de ces propos ou de ces prétendues attaques, la cour d'appel a mis la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer le contrôle qui est le sien sur la légalité de la décision attaquée ;




"4°) alors que l'affirmation selon laquelle les lettres des 29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004 « comportaient à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties » est en contradiction avec les termes de ces lettres, contradictoirement versées aux débats et soumises à l'examen de la Cour de cassation, d'où il résulte que la société Applima n'a usé, à l'égard de sa salariée, ni de propos blessants, ni de la moindre attaque entrant dans la qualification de harcèlement moral et qu'ainsi la cassation est encourue pour contradiction de motifs ;




"5°) alors que l'usage légitime de son pouvoir disciplinaire par l'employeur est insusceptible, en tant que tel, de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; qu'aucun abus de ce droit ne saurait être retenu par les juges correctionnels contre l'employeur ayant adressé à un salarié un avertissement motivé par le refus d'obéissance de ce dernier, arguant de la prétendue impossibilité d'effectuer une tâche dans les délais qui lui ont été impartis, pour refuser d'accomplir celle-ci, dès lors qu'ils n'ont pas, comme en l'espèce, constaté, par des motifs suffisants, la réalité de cette impossibilité ;




"6°) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur ont été soumis par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis ; que, comme le soutenaient Eric X... et Franck Y..., dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel et, de ce chef, délaissées, le grief tiré de l'absence de versement, par les employeurs à la salariée, d'une prime exceptionnelle pour l'année 2004 ne pouvait être retenu comme constitutif de l'élément matériel du délit de harcèlement moral, dès lors que cet élément n'avait pas été invoqué dans la citation ;




"7°) alors que, dans leurs conclusions régulièrement déposées, Eric X... et Franck Y... discutaient la portée des témoignages invoqués par la partie civile devant la juridiction correctionnelle, elle-même et ses témoins, et notamment François D... et Claudine G..., déboutés l'un et l'autre par la juridiction prud'homale de l'action qu'ils avaient engagée contre leur employeur, confortant mutuellement leurs actions judiciaires respectives, et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire des conclusions des prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;




Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de harcèlement moral, les juges du second degré énumèrent et analysent les faits et circonstances ainsi que les témoignages recueillis et les pièces versées aux débats dont ils déduisent que les conditions de travail de Florence Z... se sont dégradées en raison des agissements répétés des prévenus, qui ont outrepassé les limites de l'exercice de leur pouvoir disciplinaire, et ont porté atteinte aux droits, à la dignité et à la santé de la salariée ;




Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction et qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal ;




D'où il suit que le moyen doit être écarté ;




Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;




REJETTE le pourvoi ;




FIXE à 1 500 euros la somme qu'Eric X... et Franck Y... devront payer chacun à Florence Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

06-84.599
Arrêt n° 4981 du 25 septembre 2007
Cour de cassation - Chambre criminelle


Rejet


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Demandeur(s) à la cassation : M. Eric X..., M. Franck Y..., société Applima
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Statuant sur le pourvoi formé par :


- X.. Eric,

- Y... Franck,

- La société Applima, civilement responsable,


contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 17 mai 2006, qui, pour entraves à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel et harcèlement moral, a condamné les deux premiers à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;




Vu les mémoires produits en demande et en défense ;




Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 424-4 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ;




"aux motifs que, sur le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, le tribunal a tout d'abord exactement retenu, au vu des pièces du dossier et des déclarations concordantes des parties, qu'Eric X... et Franck Y..., ès qualités, n'ont tenu, au cours des années 2003 et 2004, que sept des vingt-deux réunions prévues par l'article L. 424-4 du code du travail et qu'ils ne rapportent ni la preuve qu'ils auraient été dans l'impossibilité, seule constitutive de force majeure, de les tenir en raison de leur présence dans les locaux limitée à une demi-journée par semaine ou par mois, ni qu'en ayant mis en place d'autres moyens de communication avec les délégués du personnel, tels des courriers électroniques, non-constitutifs d'un fait justificatif, ils établiraient le caractère involontaire du défaut de respect de la prescription susvisée ; qu'il ressort au contraire des échanges de courriers électroniques que les prévenus ont été sollicités par Florence Z..., déléguée adjointe, puis titulaire, à plusieurs reprises pour organiser la réunion mensuelle légale ;




"1°) alors qu'aux termes de l'article L. 424-4 du code du travail « les délégués sont reçus collectivement par le chef d'établissement ou son représentant au moins une fois par mois » et qu'il en résulte que lorsque, comme en l'espèce, ainsi qu'il ressort des pièces de la procédure, l'entreprise ne comporte qu'un seul délégué du personnel, la mise en place par l'employeur d'autres moyens de communication avec l'unique délégué du personnel, tels des courriers électroniques, exclut toute infraction et, en tout état de cause, établit le caractère involontaire du défaut de respect de la tenue de la réunion mensuelle ;




"2°) alors que les juges correctionnels sont tenus de répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, contrairement aux allégations de la partie civile, les réunions entre la direction et la déléguée du personnel ont été soit régulièrement tenues, soit, avec son accord, reportées, soit enfin, dans quelques hypothèses, différées pour cause de charge exceptionnelle de travail ou d'indisponibilité de l'une des parties, sans jamais pour autant que le dialogue social ne soit rompu, et qu'en se bornant à reproduire, en la résumant, la motivation des premiers juges sans s'expliquer sur ces chefs péremptoires de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;




Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du code pénal, L. 424-4 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel.




"aux motifs qu'aux termes du même article L. 424-4, le chef d'entreprise peut, au cours des réunions avec les délégués prévues par ce texte, se faire assister par des collaborateurs, lesquels, ensemble, « ne peuvent être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires ; que le tribunal a justement relevé que la présence d'Ulricke A..., chargée par les directeurs du secrétariat de ces réunions, n'était pas salariée de la société Applima, partant n'avait aucune qualité pour assister à ces réunions, même à titre de « simple scribe » - selon l'expression des prévenus, pourtant contredite par leur propre argument relatif au report de certaines réunions à raison de l'absence de cette responsable, et peu vraisemblable à la lecture des courriers électroniques démontrant son rôle essentiel dans la préparation et le suivi de ces réunions -, en sorte que la violation de la disposition susvisée est d'autant mieux établie que Florence Z... s'y est opposée avec force en tout cas à compter du 13 juillet 2004 ;




"1°) alors que la prohibition susvisée de l'article L. 424-4 du code du travail ne s'applique qu'aux collaborateurs « assistant » le chef d'établissement ou son représentant, ce qui n'est pas le cas de la personne qui assume le secrétariat et assiste, par conséquent, aussi bien les délégués du personnel que le chef d'établissement ou son représentant ;




"2°) alors qu'aucune disposition de la loi ne subordonne la tenue du secrétariat de la réunion mensuelle à la qualité de salariée du secrétaire" ;




Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 424-2 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ;




"aux motifs qu'en décidant, vu l'article L. 424-2 du code du travail donnant à l'employeur l'obligation de mettre, hors le cas de force majeure, à la disposition des délégués un local leur permettant de remplir leur mission, que les prévenus, qui ne contestent pas avoir opposé à Florence Z... un refus en septembre 2004, se sont contenté d'évoquer des « contraintes matérielles » comme les travaux de rénovation des locaux, lesquels peuvent constituer une difficulté admise par la partie civile, non un événement irrésistible, le tribunal a fait une exacte application du droit aux faits de l'espèce ;




"1°) alors que les juges correctionnels ont l'obligation de répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, compte tenu des importants travaux de rénovation affectant le local spécifique susceptible d'être mis à la disposition des délégués du personnel - travaux entraînant nécessairement son indisponibilité -, ils avaient proposé à Florence Z... de mettre à sa disposition des bureaux libres d'occupation à sa convenance, et qu'en ne s'expliquant pas sur cet argument péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;




"2°) alors que l'indisponibilité pour travaux du local spécifique susceptible d'être mis à la disposition des délégués du personnel fait, par elle-même, disparaître l'élément intentionnel de l'infraction" ;




Les moyens étant réunis ;




Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Florence Z..., salariée de la société Applima, a, sur le fondement de l'article L. 482-1 du code du travail, fait citer devant le tribunal correctionnel Eric X... et Franck Y..., respectivement président et directeur général délégué de la société, en leur reprochant, notamment, d'avoir, au cours des années 2003 et 2004, fait entrave à l'exercice régulier de ses fonctions de déléguée du personnel ;




Attendu que, pour dire établies les infractions poursuivies, les juges du fond retiennent qu'au cours de la période visée à la prévention, Eric X... et Franck Y..., qui ne justifient d'aucune impossibilité de satisfaire aux prescriptions légales, n'ont tenu que sept des vingt-deux réunions exigées par l'article L. 424-4 du code du travail, malgré divers échanges de courriers électroniques démontrant que la tenue des réunions avait été réclamée par la salariée, unique déléguée du personnel ; que les juges ajoutent que lorsqu'elles ont eu lieu, les réunions se sont déroulées en présence d'un tiers, Ulrike A..., qui a joué un rôle essentiel dans la préparation et le suivi des réunions, en méconnaissance des dispositions du texte susvisé prévoyant que le chef d'établissement ou son représentant et les collaborateurs l'assistant ne peuvent être en nombre supérieur à celui des délégués, et que les prévenus, bien qu'ils invoquent des travaux de rénovation effectués dans l'entreprise, ne justifient pas de l'impossibilité de satisfaire à l'obligation, imposée par l'article L. 424-2 du code susvisé, de mettre à la disposition des délégués un local conforme à ce texte et leur permettant de remplir leur mission ;




Attendu qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions des parties, a caractérisé les éléments tant matériels qu'intentionnel des délits retenus et ainsi légalement justifié sa décision ;




Qu'en effet, d'une part, l'article L. 424-4 du code du travail n'instituant aucune dérogation au principe de la réception mensuelle exigée par ce texte lorsque l'entreprise ne comporte qu'un seul délégué du personnel, l'inobservation de cette obligation ne peut être justifiée, hors le cas de force majeure, que si elle a pour cause le refus ou la défection du délégué lui-même ;




Que, d'autre part, la pratique tendant lors de cette réception mensuelle à imposer la présence, en surnombre, d'un tiers choisi par le chef d'établissement est de nature à porter atteinte à l'exercice des fonctions représentatives ;




Qu'enfin, il résulte de l'article L. 424-2 du même code, que le chef d'établissement est tenu, hors le cas de force majeure, de mettre à la disposition des délégués du personnel un local adapté à l'exercice de leur mission ;




D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;




Sur le quatrième moyen de cassation, pris, de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-32-2 du code pénal, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables de harcèlement moral et les a condamnés à payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à Florence Z... ;




"aux motifs qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la lecture des avertissements donnés par deux fois à la partie civile, des courriers échangés par les parties et des attestations produites aux débats, que, dans un contexte de reprise en mains de la société Applima par Eric X... et Franck Y..., ces derniers ont cherché à mettre en place, par une succession d'agissements contestables dont la déléguée du personnel suppléante a été la victime essentiellement après le départ du délégué titulaire intervenu en mars 2003, lorsqu'elle s'est opposée à la remise en cause des avantages des salariés, et jusqu'à son propre licenciement décidé au lendemain de leur condamnation par les premiers juges, une organisation différente de celle qui existait antérieurement et faisant fi des acquis sociaux du personnel ; qu'aux termes d'une première lettre remise non cachetée par sa supérieure directe le 23 janvier 2004, Florence Z... a fait l'objet d'un avertissement sérieux pour des manquements répétés commis en août 2003, puis en janvier 2004 dans deux dossiers dont elle était, selon ses directeurs, entièrement responsable et constituant des fautes graves et matériellement caractérisées ; qu'en réponse aux courriers de contestation opposée par l'intéressée, faisant en particulier valoir qu'elle avait été spécialement déchargée de l'un de ces dossiers par ses supérieurs qui l'avaient confié à une autre assistante, afin qu'elle-même puisse s'occuper d'un nouveau dossier dont l'enjeu était déterminant pour le cabinet, les prévenus ont adressé à la déléguée du personnel plusieurs lettres successives (29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004) comportant à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties ; qu'alors qu'un second avertissement a été adressé le 3 novembre 2004 à Florence Z... pour refus d'obéissance à une instruction relevant, selon les prévenus, de leur strict pouvoir de direction, non seulement, il est établi par le dossier qu'une bonne partie du personnel a fait part à Dominique B..., leur supérieure hiérarchique directe, de l'impossibilité de mener la mission de mise à jour des portefeuilles de marques dans le délai imparti, même si seule la déléguée du personnel l'a écrit aux directeurs, tout en leur assurant qu'elle ferait le maximum pour y parvenir, mais il n'est, en outre, nullement justifié que le résultat obtenu par cette dernière ait été différent de celui des autres salariés, pourtant non sanctionnés ; que, de même, alors qu'il apparaît que Florence Z... justifie de bons résultats professionnels, les meilleurs de la société selon ce qu'Eric X... et Franck Y... ont eu l'occasion d'admettre, le tribunal a également relevé à bon droit que la partie civile n'avait pas reçu la prime exceptionnelle pour l'année 2004 en relation avec de tels résultats ; que s'il n'est pas contestable qu'ainsi que le soulignent les prévenus, que d'autres salariés n'en ont pas bénéficié, il convient de noter que, parmi ceux-ci, figurent essentiellement, à côté de l'intéressée, des personnels recrutés en cours d'année ou absents pour cause de maladie ; qu'au surplus, cinq anciens salariés et salariés en congé de maladie, Denis C..., François D..., Sophie E..., Augusta F... et Claudine G... ont attesté et, pour certains, témoigné que, dès leur prise de participation majoritaire à la société Applima, Eric X... et Franck Y... ont entrepris de faire régner sur le personnel et, plus particulièrement, sur la déléguée du personnel, un climat de menaces et d'intimidation, tel que celui qui ressort des documents susvisés ; que, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le lien de subordination existant entre les prévenus, d'une part, et leurs témoins, Danielle H..., déléguée du personnel, et Julie I..., déléguée adjointe, d'autre part, il apparaît qu'en faisant état de la bonne ambiance régnant dans l'entreprise depuis le départ de la partie civile, les témoignages de ces dernières ne contredisent pas ceux des cinq autres personnels de la société portant sur la dégradation des conditions de travail imputable aux directeurs à l'époque antérieure où ils travaillaient pour la société Applima ; qu'enfin, les termes des courriers adressés par Eric X... et Franck Y... à Florence Z... manifestent, au-delà du pouvoir disciplinaire des directeurs sur leur employée, une brutalité et un acharnement à son égard dictés par leur hostilité à sa fonction de déléguée du personnel, ainsi que le confirment les cinq mêmes témoins de la partie civile, notamment Denis C..., délégué du personnel jusqu'en mars 2003 et François D..., P.D.G. licencié en 2004 ; qu'en l'état de ces constatations, il ressort que les conditions de travail de Florence Z... se sont dégradées sous le coup des agissements répétés des deux prévenus qui ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité, jusqu'à sa mise à pied intervenue dans des conditions de grande brutalité, comme à sa santé physique et psychologique, ainsi que l'établissent les certificats médicaux et l'attestation du docteur J..., médecin du travail, versés au dossier ;




"1°) alors que, l'employeur étant libre d'organiser son entreprise comme il l'entend, la réorganisation de celle-ci est insusceptible de constituer en elle-même l'élément matériel du délit de harcèlement moral ;




"2°) alors que l'avertissement, fondé sur des motifs sérieux, adressé par l'employeur à un salarié, est insusceptible en tant que tel de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; que dans la citation ayant saisi la juridiction correctionnelle, Florence Z... faisait valoir que la société Applima, dirigée par Eric X... et Franck Y..., lui avait adressé, le 23 janvier 2004, un avertissement dans lequel ladite société lui reprochait d'avoir omis d'assurer le renouvellement, à son échéance, de la marque « Toxo Latex » n° 1255067, le 23 décembre 2003, en méconnaissance des instructions du client en date du 30 août 2003, et d'avoir omis, au mois d'août 2003, de renouveler, à son échéance, la marque française «demand» n° 93480086, en méconnaissance des instructions du client en date du 26 juin 2003 ; que la société Applima étant conseil en propriété industrielle, un seul de ces manquements était susceptible de constituer une faute grave permettant de justifier un licenciement ; que dans leurs conclusions, régulièrement déposées devant la cour d'appel et de ce chef délaissées, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, le 27 février 2004, l'intéressée avait répondu qu'elle contestait cet avertissement mais qu'elle admettait « qu'il est certain que le fait de manquer l'échéance de renouvellement d'une marque est fâcheux », reconnaissant, ce faisant, la faute qui lui était reprochée ; que dans les motifs ci-dessus reproduits, la cour d'appel reconnaît, implicitement mais nécessairement, qu'au moins une des omissions de renouvellement de marques à son échéance, reprochée à la salariée, était justifiée et qu'en cet état, en retenant, pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement moral, l'avertissement adressé par les prévenus à Florence Z... le 23 janvier 2004, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 222-32-2 du code pénal ;




"3°) alors que les juges correctionnels sont tenus de motiver leurs décisions et qu'en se bornant, pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement moral, à faire état de ce que les lettres adressées par les employeurs à la salariée les 29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004 « comportaient à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties », sans préciser le contenu de ces propos ou de ces prétendues attaques, la cour d'appel a mis la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer le contrôle qui est le sien sur la légalité de la décision attaquée ;




"4°) alors que l'affirmation selon laquelle les lettres des 29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004 « comportaient à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties » est en contradiction avec les termes de ces lettres, contradictoirement versées aux débats et soumises à l'examen de la Cour de cassation, d'où il résulte que la société Applima n'a usé, à l'égard de sa salariée, ni de propos blessants, ni de la moindre attaque entrant dans la qualification de harcèlement moral et qu'ainsi la cassation est encourue pour contradiction de motifs ;




"5°) alors que l'usage légitime de son pouvoir disciplinaire par l'employeur est insusceptible, en tant que tel, de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; qu'aucun abus de ce droit ne saurait être retenu par les juges correctionnels contre l'employeur ayant adressé à un salarié un avertissement motivé par le refus d'obéissance de ce dernier, arguant de la prétendue impossibilité d'effectuer une tâche dans les délais qui lui ont été impartis, pour refuser d'accomplir celle-ci, dès lors qu'ils n'ont pas, comme en l'espèce, constaté, par des motifs suffisants, la réalité de cette impossibilité ;




"6°) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur ont été soumis par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis ; que, comme le soutenaient Eric X... et Franck Y..., dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel et, de ce chef, délaissées, le grief tiré de l'absence de versement, par les employeurs à la salariée, d'une prime exceptionnelle pour l'année 2004 ne pouvait être retenu comme constitutif de l'élément matériel du délit de harcèlement moral, dès lors que cet élément n'avait pas été invoqué dans la citation ;




"7°) alors que, dans leurs conclusions régulièrement déposées, Eric X... et Franck Y... discutaient la portée des témoignages invoqués par la partie civile devant la juridiction correctionnelle, elle-même et ses témoins, et notamment François D... et Claudine G..., déboutés l'un et l'autre par la juridiction prud'homale de l'action qu'ils avaient engagée contre leur employeur, confortant mutuellement leurs actions judiciaires respectives, et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire des conclusions des prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;




Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de harcèlement moral, les juges du second degré énumèrent et analysent les faits et circonstances ainsi que les témoignages recueillis et les pièces versées aux débats dont ils déduisent que les conditions de travail de Florence Z... se sont dégradées en raison des agissements répétés des prévenus, qui ont outrepassé les limites de l'exercice de leur pouvoir disciplinaire, et ont porté atteinte aux droits, à la dignité et à la santé de la salariée ;




Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction et qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal ;




D'où il suit que le moyen doit être écarté ;




Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;




REJETTE le pourvoi ;




FIXE à 1 500 euros la somme qu'Eric X... et Franck Y... devront payer chacun à Florence Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

06-84.599
Arrêt n° 4981 du 25 septembre 2007
Cour de cassation - Chambre criminelle


Rejet


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Demandeur(s) à la cassation : M. Eric X..., M. Franck Y..., société Applima
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Statuant sur le pourvoi formé par :


- X.. Eric,

- Y... Franck,

- La société Applima, civilement responsable,


contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 17 mai 2006, qui, pour entraves à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel et harcèlement moral, a condamné les deux premiers à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;




Vu les mémoires produits en demande et en défense ;




Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 424-4 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ;




"aux motifs que, sur le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, le tribunal a tout d'abord exactement retenu, au vu des pièces du dossier et des déclarations concordantes des parties, qu'Eric X... et Franck Y..., ès qualités, n'ont tenu, au cours des années 2003 et 2004, que sept des vingt-deux réunions prévues par l'article L. 424-4 du code du travail et qu'ils ne rapportent ni la preuve qu'ils auraient été dans l'impossibilité, seule constitutive de force majeure, de les tenir en raison de leur présence dans les locaux limitée à une demi-journée par semaine ou par mois, ni qu'en ayant mis en place d'autres moyens de communication avec les délégués du personnel, tels des courriers électroniques, non-constitutifs d'un fait justificatif, ils établiraient le caractère involontaire du défaut de respect de la prescription susvisée ; qu'il ressort au contraire des échanges de courriers électroniques que les prévenus ont été sollicités par Florence Z..., déléguée adjointe, puis titulaire, à plusieurs reprises pour organiser la réunion mensuelle légale ;




"1°) alors qu'aux termes de l'article L. 424-4 du code du travail « les délégués sont reçus collectivement par le chef d'établissement ou son représentant au moins une fois par mois » et qu'il en résulte que lorsque, comme en l'espèce, ainsi qu'il ressort des pièces de la procédure, l'entreprise ne comporte qu'un seul délégué du personnel, la mise en place par l'employeur d'autres moyens de communication avec l'unique délégué du personnel, tels des courriers électroniques, exclut toute infraction et, en tout état de cause, établit le caractère involontaire du défaut de respect de la tenue de la réunion mensuelle ;




"2°) alors que les juges correctionnels sont tenus de répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, contrairement aux allégations de la partie civile, les réunions entre la direction et la déléguée du personnel ont été soit régulièrement tenues, soit, avec son accord, reportées, soit enfin, dans quelques hypothèses, différées pour cause de charge exceptionnelle de travail ou d'indisponibilité de l'une des parties, sans jamais pour autant que le dialogue social ne soit rompu, et qu'en se bornant à reproduire, en la résumant, la motivation des premiers juges sans s'expliquer sur ces chefs péremptoires de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;




Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du code pénal, L. 424-4 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel.




"aux motifs qu'aux termes du même article L. 424-4, le chef d'entreprise peut, au cours des réunions avec les délégués prévues par ce texte, se faire assister par des collaborateurs, lesquels, ensemble, « ne peuvent être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires ; que le tribunal a justement relevé que la présence d'Ulricke A..., chargée par les directeurs du secrétariat de ces réunions, n'était pas salariée de la société Applima, partant n'avait aucune qualité pour assister à ces réunions, même à titre de « simple scribe » - selon l'expression des prévenus, pourtant contredite par leur propre argument relatif au report de certaines réunions à raison de l'absence de cette responsable, et peu vraisemblable à la lecture des courriers électroniques démontrant son rôle essentiel dans la préparation et le suivi de ces réunions -, en sorte que la violation de la disposition susvisée est d'autant mieux établie que Florence Z... s'y est opposée avec force en tout cas à compter du 13 juillet 2004 ;




"1°) alors que la prohibition susvisée de l'article L. 424-4 du code du travail ne s'applique qu'aux collaborateurs « assistant » le chef d'établissement ou son représentant, ce qui n'est pas le cas de la personne qui assume le secrétariat et assiste, par conséquent, aussi bien les délégués du personnel que le chef d'établissement ou son représentant ;




"2°) alors qu'aucune disposition de la loi ne subordonne la tenue du secrétariat de la réunion mensuelle à la qualité de salariée du secrétaire" ;




Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 424-2 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ;




"aux motifs qu'en décidant, vu l'article L. 424-2 du code du travail donnant à l'employeur l'obligation de mettre, hors le cas de force majeure, à la disposition des délégués un local leur permettant de remplir leur mission, que les prévenus, qui ne contestent pas avoir opposé à Florence Z... un refus en septembre 2004, se sont contenté d'évoquer des « contraintes matérielles » comme les travaux de rénovation des locaux, lesquels peuvent constituer une difficulté admise par la partie civile, non un événement irrésistible, le tribunal a fait une exacte application du droit aux faits de l'espèce ;




"1°) alors que les juges correctionnels ont l'obligation de répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, compte tenu des importants travaux de rénovation affectant le local spécifique susceptible d'être mis à la disposition des délégués du personnel - travaux entraînant nécessairement son indisponibilité -, ils avaient proposé à Florence Z... de mettre à sa disposition des bureaux libres d'occupation à sa convenance, et qu'en ne s'expliquant pas sur cet argument péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;




"2°) alors que l'indisponibilité pour travaux du local spécifique susceptible d'être mis à la disposition des délégués du personnel fait, par elle-même, disparaître l'élément intentionnel de l'infraction" ;




Les moyens étant réunis ;




Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Florence Z..., salariée de la société Applima, a, sur le fondement de l'article L. 482-1 du code du travail, fait citer devant le tribunal correctionnel Eric X... et Franck Y..., respectivement président et directeur général délégué de la société, en leur reprochant, notamment, d'avoir, au cours des années 2003 et 2004, fait entrave à l'exercice régulier de ses fonctions de déléguée du personnel ;




Attendu que, pour dire établies les infractions poursuivies, les juges du fond retiennent qu'au cours de la période visée à la prévention, Eric X... et Franck Y..., qui ne justifient d'aucune impossibilité de satisfaire aux prescriptions légales, n'ont tenu que sept des vingt-deux réunions exigées par l'article L. 424-4 du code du travail, malgré divers échanges de courriers électroniques démontrant que la tenue des réunions avait été réclamée par la salariée, unique déléguée du personnel ; que les juges ajoutent que lorsqu'elles ont eu lieu, les réunions se sont déroulées en présence d'un tiers, Ulrike A..., qui a joué un rôle essentiel dans la préparation et le suivi des réunions, en méconnaissance des dispositions du texte susvisé prévoyant que le chef d'établissement ou son représentant et les collaborateurs l'assistant ne peuvent être en nombre supérieur à celui des délégués, et que les prévenus, bien qu'ils invoquent des travaux de rénovation effectués dans l'entreprise, ne justifient pas de l'impossibilité de satisfaire à l'obligation, imposée par l'article L. 424-2 du code susvisé, de mettre à la disposition des délégués un local conforme à ce texte et leur permettant de remplir leur mission ;




Attendu qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions des parties, a caractérisé les éléments tant matériels qu'intentionnel des délits retenus et ainsi légalement justifié sa décision ;




Qu'en effet, d'une part, l'article L. 424-4 du code du travail n'instituant aucune dérogation au principe de la réception mensuelle exigée par ce texte lorsque l'entreprise ne comporte qu'un seul délégué du personnel, l'inobservation de cette obligation ne peut être justifiée, hors le cas de force majeure, que si elle a pour cause le refus ou la défection du délégué lui-même ;




Que, d'autre part, la pratique tendant lors de cette réception mensuelle à imposer la présence, en surnombre, d'un tiers choisi par le chef d'établissement est de nature à porter atteinte à l'exercice des fonctions représentatives ;




Qu'enfin, il résulte de l'article L. 424-2 du même code, que le chef d'établissement est tenu, hors le cas de force majeure, de mettre à la disposition des délégués du personnel un local adapté à l'exercice de leur mission ;




D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;




Sur le quatrième moyen de cassation, pris, de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-32-2 du code pénal, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables de harcèlement moral et les a condamnés à payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à Florence Z... ;




"aux motifs qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la lecture des avertissements donnés par deux fois à la partie civile, des courriers échangés par les parties et des attestations produites aux débats, que, dans un contexte de reprise en mains de la société Applima par Eric X... et Franck Y..., ces derniers ont cherché à mettre en place, par une succession d'agissements contestables dont la déléguée du personnel suppléante a été la victime essentiellement après le départ du délégué titulaire intervenu en mars 2003, lorsqu'elle s'est opposée à la remise en cause des avantages des salariés, et jusqu'à son propre licenciement décidé au lendemain de leur condamnation par les premiers juges, une organisation différente de celle qui existait antérieurement et faisant fi des acquis sociaux du personnel ; qu'aux termes d'une première lettre remise non cachetée par sa supérieure directe le 23 janvier 2004, Florence Z... a fait l'objet d'un avertissement sérieux pour des manquements répétés commis en août 2003, puis en janvier 2004 dans deux dossiers dont elle était, selon ses directeurs, entièrement responsable et constituant des fautes graves et matériellement caractérisées ; qu'en réponse aux courriers de contestation opposée par l'intéressée, faisant en particulier valoir qu'elle avait été spécialement déchargée de l'un de ces dossiers par ses supérieurs qui l'avaient confié à une autre assistante, afin qu'elle-même puisse s'occuper d'un nouveau dossier dont l'enjeu était déterminant pour le cabinet, les prévenus ont adressé à la déléguée du personnel plusieurs lettres successives (29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004) comportant à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties ; qu'alors qu'un second avertissement a été adressé le 3 novembre 2004 à Florence Z... pour refus d'obéissance à une instruction relevant, selon les prévenus, de leur strict pouvoir de direction, non seulement, il est établi par le dossier qu'une bonne partie du personnel a fait part à Dominique B..., leur supérieure hiérarchique directe, de l'impossibilité de mener la mission de mise à jour des portefeuilles de marques dans le délai imparti, même si seule la déléguée du personnel l'a écrit aux directeurs, tout en leur assurant qu'elle ferait le maximum pour y parvenir, mais il n'est, en outre, nullement justifié que le résultat obtenu par cette dernière ait été différent de celui des autres salariés, pourtant non sanctionnés ; que, de même, alors qu'il apparaît que Florence Z... justifie de bons résultats professionnels, les meilleurs de la société selon ce qu'Eric X... et Franck Y... ont eu l'occasion d'admettre, le tribunal a également relevé à bon droit que la partie civile n'avait pas reçu la prime exceptionnelle pour l'année 2004 en relation avec de tels résultats ; que s'il n'est pas contestable qu'ainsi que le soulignent les prévenus, que d'autres salariés n'en ont pas bénéficié, il convient de noter que, parmi ceux-ci, figurent essentiellement, à côté de l'intéressée, des personnels recrutés en cours d'année ou absents pour cause de maladie ; qu'au surplus, cinq anciens salariés et salariés en congé de maladie, Denis C..., François D..., Sophie E..., Augusta F... et Claudine G... ont attesté et, pour certains, témoigné que, dès leur prise de participation majoritaire à la société Applima, Eric X... et Franck Y... ont entrepris de faire régner sur le personnel et, plus particulièrement, sur la déléguée du personnel, un climat de menaces et d'intimidation, tel que celui qui ressort des documents susvisés ; que, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le lien de subordination existant entre les prévenus, d'une part, et leurs témoins, Danielle H..., déléguée du personnel, et Julie I..., déléguée adjointe, d'autre part, il apparaît qu'en faisant état de la bonne ambiance régnant dans l'entreprise depuis le départ de la partie civile, les témoignages de ces dernières ne contredisent pas ceux des cinq autres personnels de la société portant sur la dégradation des conditions de travail imputable aux directeurs à l'époque antérieure où ils travaillaient pour la société Applima ; qu'enfin, les termes des courriers adressés par Eric X... et Franck Y... à Florence Z... manifestent, au-delà du pouvoir disciplinaire des directeurs sur leur employée, une brutalité et un acharnement à son égard dictés par leur hostilité à sa fonction de déléguée du personnel, ainsi que le confirment les cinq mêmes témoins de la partie civile, notamment Denis C..., délégué du personnel jusqu'en mars 2003 et François D..., P.D.G. licencié en 2004 ; qu'en l'état de ces constatations, il ressort que les conditions de travail de Florence Z... se sont dégradées sous le coup des agissements répétés des deux prévenus qui ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité, jusqu'à sa mise à pied intervenue dans des conditions de grande brutalité, comme à sa santé physique et psychologique, ainsi que l'établissent les certificats médicaux et l'attestation du docteur J..., médecin du travail, versés au dossier ;




"1°) alors que, l'employeur étant libre d'organiser son entreprise comme il l'entend, la réorganisation de celle-ci est insusceptible de constituer en elle-même l'élément matériel du délit de harcèlement moral ;




"2°) alors que l'avertissement, fondé sur des motifs sérieux, adressé par l'employeur à un salarié, est insusceptible en tant que tel de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; que dans la citation ayant saisi la juridiction correctionnelle, Florence Z... faisait valoir que la société Applima, dirigée par Eric X... et Franck Y..., lui avait adressé, le 23 janvier 2004, un avertissement dans lequel ladite société lui reprochait d'avoir omis d'assurer le renouvellement, à son échéance, de la marque « Toxo Latex » n° 1255067, le 23 décembre 2003, en méconnaissance des instructions du client en date du 30 août 2003, et d'avoir omis, au mois d'août 2003, de renouveler, à son échéance, la marque française «demand» n° 93480086, en méconnaissance des instructions du client en date du 26 juin 2003 ; que la société Applima étant conseil en propriété industrielle, un seul de ces manquements était susceptible de constituer une faute grave permettant de justifier un licenciement ; que dans leurs conclusions, régulièrement déposées devant la cour d'appel et de ce chef délaissées, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, le 27 février 2004, l'intéressée avait répondu qu'elle contestait cet avertissement mais qu'elle admettait « qu'il est certain que le fait de manquer l'échéance de renouvellement d'une marque est fâcheux », reconnaissant, ce faisant, la faute qui lui était reprochée ; que dans les motifs ci-dessus reproduits, la cour d'appel reconnaît, implicitement mais nécessairement, qu'au moins une des omissions de renouvellement de marques à son échéance, reprochée à la salariée, était justifiée et qu'en cet état, en retenant, pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement moral, l'avertissement adressé par les prévenus à Florence Z... le 23 janvier 2004, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 222-32-2 du code pénal ;




"3°) alors que les juges correctionnels sont tenus de motiver leurs décisions et qu'en se bornant, pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement moral, à faire état de ce que les lettres adressées par les employeurs à la salariée les 29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004 « comportaient à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties », sans préciser le contenu de ces propos ou de ces prétendues attaques, la cour d'appel a mis la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer le contrôle qui est le sien sur la légalité de la décision attaquée ;




"4°) alors que l'affirmation selon laquelle les lettres des 29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004 « comportaient à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties » est en contradiction avec les termes de ces lettres, contradictoirement versées aux débats et soumises à l'examen de la Cour de cassation, d'où il résulte que la société Applima n'a usé, à l'égard de sa salariée, ni de propos blessants, ni de la moindre attaque entrant dans la qualification de harcèlement moral et qu'ainsi la cassation est encourue pour contradiction de motifs ;




"5°) alors que l'usage légitime de son pouvoir disciplinaire par l'employeur est insusceptible, en tant que tel, de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; qu'aucun abus de ce droit ne saurait être retenu par les juges correctionnels contre l'employeur ayant adressé à un salarié un avertissement motivé par le refus d'obéissance de ce dernier, arguant de la prétendue impossibilité d'effectuer une tâche dans les délais qui lui ont été impartis, pour refuser d'accomplir celle-ci, dès lors qu'ils n'ont pas, comme en l'espèce, constaté, par des motifs suffisants, la réalité de cette impossibilité ;




"6°) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur ont été soumis par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis ; que, comme le soutenaient Eric X... et Franck Y..., dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel et, de ce chef, délaissées, le grief tiré de l'absence de versement, par les employeurs à la salariée, d'une prime exceptionnelle pour l'année 2004 ne pouvait être retenu comme constitutif de l'élément matériel du délit de harcèlement moral, dès lors que cet élément n'avait pas été invoqué dans la citation ;




"7°) alors que, dans leurs conclusions régulièrement déposées, Eric X... et Franck Y... discutaient la portée des témoignages invoqués par la partie civile devant la juridiction correctionnelle, elle-même et ses témoins, et notamment François D... et Claudine G..., déboutés l'un et l'autre par la juridiction prud'homale de l'action qu'ils avaient engagée contre leur employeur, confortant mutuellement leurs actions judiciaires respectives, et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire des conclusions des prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;




Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de harcèlement moral, les juges du second degré énumèrent et analysent les faits et circonstances ainsi que les témoignages recueillis et les pièces versées aux débats dont ils déduisent que les conditions de travail de Florence Z... se sont dégradées en raison des agissements répétés des prévenus, qui ont outrepassé les limites de l'exercice de leur pouvoir disciplinaire, et ont porté atteinte aux droits, à la dignité et à la santé de la salariée ;




Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction et qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal ;




D'où il suit que le moyen doit être écarté ;




Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;




REJETTE le pourvoi ;




FIXE à 1 500 euros la somme qu'Eric X... et Franck Y... devront payer chacun à Florence Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

06-84.599
Arrêt n° 4981 du 25 septembre 2007
Cour de cassation - Chambre criminelle


Rejet


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Demandeur(s) à la cassation : M. Eric X..., M. Franck Y..., société Applima
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Statuant sur le pourvoi formé par :


- X.. Eric,

- Y... Franck,

- La société Applima, civilement responsable,


contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 17 mai 2006, qui, pour entraves à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel et harcèlement moral, a condamné les deux premiers à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;




Vu les mémoires produits en demande et en défense ;




Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 424-4 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ;




"aux motifs que, sur le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, le tribunal a tout d'abord exactement retenu, au vu des pièces du dossier et des déclarations concordantes des parties, qu'Eric X... et Franck Y..., ès qualités, n'ont tenu, au cours des années 2003 et 2004, que sept des vingt-deux réunions prévues par l'article L. 424-4 du code du travail et qu'ils ne rapportent ni la preuve qu'ils auraient été dans l'impossibilité, seule constitutive de force majeure, de les tenir en raison de leur présence dans les locaux limitée à une demi-journée par semaine ou par mois, ni qu'en ayant mis en place d'autres moyens de communication avec les délégués du personnel, tels des courriers électroniques, non-constitutifs d'un fait justificatif, ils établiraient le caractère involontaire du défaut de respect de la prescription susvisée ; qu'il ressort au contraire des échanges de courriers électroniques que les prévenus ont été sollicités par Florence Z..., déléguée adjointe, puis titulaire, à plusieurs reprises pour organiser la réunion mensuelle légale ;




"1°) alors qu'aux termes de l'article L. 424-4 du code du travail « les délégués sont reçus collectivement par le chef d'établissement ou son représentant au moins une fois par mois » et qu'il en résulte que lorsque, comme en l'espèce, ainsi qu'il ressort des pièces de la procédure, l'entreprise ne comporte qu'un seul délégué du personnel, la mise en place par l'employeur d'autres moyens de communication avec l'unique délégué du personnel, tels des courriers électroniques, exclut toute infraction et, en tout état de cause, établit le caractère involontaire du défaut de respect de la tenue de la réunion mensuelle ;




"2°) alors que les juges correctionnels sont tenus de répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, contrairement aux allégations de la partie civile, les réunions entre la direction et la déléguée du personnel ont été soit régulièrement tenues, soit, avec son accord, reportées, soit enfin, dans quelques hypothèses, différées pour cause de charge exceptionnelle de travail ou d'indisponibilité de l'une des parties, sans jamais pour autant que le dialogue social ne soit rompu, et qu'en se bornant à reproduire, en la résumant, la motivation des premiers juges sans s'expliquer sur ces chefs péremptoires de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;




Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du code pénal, L. 424-4 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel.




"aux motifs qu'aux termes du même article L. 424-4, le chef d'entreprise peut, au cours des réunions avec les délégués prévues par ce texte, se faire assister par des collaborateurs, lesquels, ensemble, « ne peuvent être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires ; que le tribunal a justement relevé que la présence d'Ulricke A..., chargée par les directeurs du secrétariat de ces réunions, n'était pas salariée de la société Applima, partant n'avait aucune qualité pour assister à ces réunions, même à titre de « simple scribe » - selon l'expression des prévenus, pourtant contredite par leur propre argument relatif au report de certaines réunions à raison de l'absence de cette responsable, et peu vraisemblable à la lecture des courriers électroniques démontrant son rôle essentiel dans la préparation et le suivi de ces réunions -, en sorte que la violation de la disposition susvisée est d'autant mieux établie que Florence Z... s'y est opposée avec force en tout cas à compter du 13 juillet 2004 ;




"1°) alors que la prohibition susvisée de l'article L. 424-4 du code du travail ne s'applique qu'aux collaborateurs « assistant » le chef d'établissement ou son représentant, ce qui n'est pas le cas de la personne qui assume le secrétariat et assiste, par conséquent, aussi bien les délégués du personnel que le chef d'établissement ou son représentant ;




"2°) alors qu'aucune disposition de la loi ne subordonne la tenue du secrétariat de la réunion mensuelle à la qualité de salariée du secrétaire" ;




Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 424-2 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ;




"aux motifs qu'en décidant, vu l'article L. 424-2 du code du travail donnant à l'employeur l'obligation de mettre, hors le cas de force majeure, à la disposition des délégués un local leur permettant de remplir leur mission, que les prévenus, qui ne contestent pas avoir opposé à Florence Z... un refus en septembre 2004, se sont contenté d'évoquer des « contraintes matérielles » comme les travaux de rénovation des locaux, lesquels peuvent constituer une difficulté admise par la partie civile, non un événement irrésistible, le tribunal a fait une exacte application du droit aux faits de l'espèce ;




"1°) alors que les juges correctionnels ont l'obligation de répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, compte tenu des importants travaux de rénovation affectant le local spécifique susceptible d'être mis à la disposition des délégués du personnel - travaux entraînant nécessairement son indisponibilité -, ils avaient proposé à Florence Z... de mettre à sa disposition des bureaux libres d'occupation à sa convenance, et qu'en ne s'expliquant pas sur cet argument péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;




"2°) alors que l'indisponibilité pour travaux du local spécifique susceptible d'être mis à la disposition des délégués du personnel fait, par elle-même, disparaître l'élément intentionnel de l'infraction" ;




Les moyens étant réunis ;




Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Florence Z..., salariée de la société Applima, a, sur le fondement de l'article L. 482-1 du code du travail, fait citer devant le tribunal correctionnel Eric X... et Franck Y..., respectivement président et directeur général délégué de la société, en leur reprochant, notamment, d'avoir, au cours des années 2003 et 2004, fait entrave à l'exercice régulier de ses fonctions de déléguée du personnel ;




Attendu que, pour dire établies les infractions poursuivies, les juges du fond retiennent qu'au cours de la période visée à la prévention, Eric X... et Franck Y..., qui ne justifient d'aucune impossibilité de satisfaire aux prescriptions légales, n'ont tenu que sept des vingt-deux réunions exigées par l'article L. 424-4 du code du travail, malgré divers échanges de courriers électroniques démontrant que la tenue des réunions avait été réclamée par la salariée, unique déléguée du personnel ; que les juges ajoutent que lorsqu'elles ont eu lieu, les réunions se sont déroulées en présence d'un tiers, Ulrike A..., qui a joué un rôle essentiel dans la préparation et le suivi des réunions, en méconnaissance des dispositions du texte susvisé prévoyant que le chef d'établissement ou son représentant et les collaborateurs l'assistant ne peuvent être en nombre supérieur à celui des délégués, et que les prévenus, bien qu'ils invoquent des travaux de rénovation effectués dans l'entreprise, ne justifient pas de l'impossibilité de satisfaire à l'obligation, imposée par l'article L. 424-2 du code susvisé, de mettre à la disposition des délégués un local conforme à ce texte et leur permettant de remplir leur mission ;




Attendu qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions des parties, a caractérisé les éléments tant matériels qu'intentionnel des délits retenus et ainsi légalement justifié sa décision ;




Qu'en effet, d'une part, l'article L. 424-4 du code du travail n'instituant aucune dérogation au principe de la réception mensuelle exigée par ce texte lorsque l'entreprise ne comporte qu'un seul délégué du personnel, l'inobservation de cette obligation ne peut être justifiée, hors le cas de force majeure, que si elle a pour cause le refus ou la défection du délégué lui-même ;




Que, d'autre part, la pratique tendant lors de cette réception mensuelle à imposer la présence, en surnombre, d'un tiers choisi par le chef d'établissement est de nature à porter atteinte à l'exercice des fonctions représentatives ;




Qu'enfin, il résulte de l'article L. 424-2 du même code, que le chef d'établissement est tenu, hors le cas de force majeure, de mettre à la disposition des délégués du personnel un local adapté à l'exercice de leur mission ;




D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;




Sur le quatrième moyen de cassation, pris, de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-32-2 du code pénal, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;




"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... et Franck Y... coupables de harcèlement moral et les a condamnés à payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à Florence Z... ;




"aux motifs qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la lecture des avertissements donnés par deux fois à la partie civile, des courriers échangés par les parties et des attestations produites aux débats, que, dans un contexte de reprise en mains de la société Applima par Eric X... et Franck Y..., ces derniers ont cherché à mettre en place, par une succession d'agissements contestables dont la déléguée du personnel suppléante a été la victime essentiellement après le départ du délégué titulaire intervenu en mars 2003, lorsqu'elle s'est opposée à la remise en cause des avantages des salariés, et jusqu'à son propre licenciement décidé au lendemain de leur condamnation par les premiers juges, une organisation différente de celle qui existait antérieurement et faisant fi des acquis sociaux du personnel ; qu'aux termes d'une première lettre remise non cachetée par sa supérieure directe le 23 janvier 2004, Florence Z... a fait l'objet d'un avertissement sérieux pour des manquements répétés commis en août 2003, puis en janvier 2004 dans deux dossiers dont elle était, selon ses directeurs, entièrement responsable et constituant des fautes graves et matériellement caractérisées ; qu'en réponse aux courriers de contestation opposée par l'intéressée, faisant en particulier valoir qu'elle avait été spécialement déchargée de l'un de ces dossiers par ses supérieurs qui l'avaient confié à une autre assistante, afin qu'elle-même puisse s'occuper d'un nouveau dossier dont l'enjeu était déterminant pour le cabinet, les prévenus ont adressé à la déléguée du personnel plusieurs lettres successives (29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004) comportant à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties ; qu'alors qu'un second avertissement a été adressé le 3 novembre 2004 à Florence Z... pour refus d'obéissance à une instruction relevant, selon les prévenus, de leur strict pouvoir de direction, non seulement, il est établi par le dossier qu'une bonne partie du personnel a fait part à Dominique B..., leur supérieure hiérarchique directe, de l'impossibilité de mener la mission de mise à jour des portefeuilles de marques dans le délai imparti, même si seule la déléguée du personnel l'a écrit aux directeurs, tout en leur assurant qu'elle ferait le maximum pour y parvenir, mais il n'est, en outre, nullement justifié que le résultat obtenu par cette dernière ait été différent de celui des autres salariés, pourtant non sanctionnés ; que, de même, alors qu'il apparaît que Florence Z... justifie de bons résultats professionnels, les meilleurs de la société selon ce qu'Eric X... et Franck Y... ont eu l'occasion d'admettre, le tribunal a également relevé à bon droit que la partie civile n'avait pas reçu la prime exceptionnelle pour l'année 2004 en relation avec de tels résultats ; que s'il n'est pas contestable qu'ainsi que le soulignent les prévenus, que d'autres salariés n'en ont pas bénéficié, il convient de noter que, parmi ceux-ci, figurent essentiellement, à côté de l'intéressée, des personnels recrutés en cours d'année ou absents pour cause de maladie ; qu'au surplus, cinq anciens salariés et salariés en congé de maladie, Denis C..., François D..., Sophie E..., Augusta F... et Claudine G... ont attesté et, pour certains, témoigné que, dès leur prise de participation majoritaire à la société Applima, Eric X... et Franck Y... ont entrepris de faire régner sur le personnel et, plus particulièrement, sur la déléguée du personnel, un climat de menaces et d'intimidation, tel que celui qui ressort des documents susvisés ; que, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le lien de subordination existant entre les prévenus, d'une part, et leurs témoins, Danielle H..., déléguée du personnel, et Julie I..., déléguée adjointe, d'autre part, il apparaît qu'en faisant état de la bonne ambiance régnant dans l'entreprise depuis le départ de la partie civile, les témoignages de ces dernières ne contredisent pas ceux des cinq autres personnels de la société portant sur la dégradation des conditions de travail imputable aux directeurs à l'époque antérieure où ils travaillaient pour la société Applima ; qu'enfin, les termes des courriers adressés par Eric X... et Franck Y... à Florence Z... manifestent, au-delà du pouvoir disciplinaire des directeurs sur leur employée, une brutalité et un acharnement à son égard dictés par leur hostilité à sa fonction de déléguée du personnel, ainsi que le confirment les cinq mêmes témoins de la partie civile, notamment Denis C..., délégué du personnel jusqu'en mars 2003 et François D..., P.D.G. licencié en 2004 ; qu'en l'état de ces constatations, il ressort que les conditions de travail de Florence Z... se sont dégradées sous le coup des agissements répétés des deux prévenus qui ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité, jusqu'à sa mise à pied intervenue dans des conditions de grande brutalité, comme à sa santé physique et psychologique, ainsi que l'établissent les certificats médicaux et l'attestation du docteur J..., médecin du travail, versés au dossier ;




"1°) alors que, l'employeur étant libre d'organiser son entreprise comme il l'entend, la réorganisation de celle-ci est insusceptible de constituer en elle-même l'élément matériel du délit de harcèlement moral ;




"2°) alors que l'avertissement, fondé sur des motifs sérieux, adressé par l'employeur à un salarié, est insusceptible en tant que tel de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; que dans la citation ayant saisi la juridiction correctionnelle, Florence Z... faisait valoir que la société Applima, dirigée par Eric X... et Franck Y..., lui avait adressé, le 23 janvier 2004, un avertissement dans lequel ladite société lui reprochait d'avoir omis d'assurer le renouvellement, à son échéance, de la marque « Toxo Latex » n° 1255067, le 23 décembre 2003, en méconnaissance des instructions du client en date du 30 août 2003, et d'avoir omis, au mois d'août 2003, de renouveler, à son échéance, la marque française «demand» n° 93480086, en méconnaissance des instructions du client en date du 26 juin 2003 ; que la société Applima étant conseil en propriété industrielle, un seul de ces manquements était susceptible de constituer une faute grave permettant de justifier un licenciement ; que dans leurs conclusions, régulièrement déposées devant la cour d'appel et de ce chef délaissées, Eric X... et Franck Y... faisaient valoir que, le 27 février 2004, l'intéressée avait répondu qu'elle contestait cet avertissement mais qu'elle admettait « qu'il est certain que le fait de manquer l'échéance de renouvellement d'une marque est fâcheux », reconnaissant, ce faisant, la faute qui lui était reprochée ; que dans les motifs ci-dessus reproduits, la cour d'appel reconnaît, implicitement mais nécessairement, qu'au moins une des omissions de renouvellement de marques à son échéance, reprochée à la salariée, était justifiée et qu'en cet état, en retenant, pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement moral, l'avertissement adressé par les prévenus à Florence Z... le 23 janvier 2004, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 222-32-2 du code pénal ;




"3°) alors que les juges correctionnels sont tenus de motiver leurs décisions et qu'en se bornant, pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement moral, à faire état de ce que les lettres adressées par les employeurs à la salariée les 29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004 « comportaient à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties », sans préciser le contenu de ces propos ou de ces prétendues attaques, la cour d'appel a mis la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer le contrôle qui est le sien sur la légalité de la décision attaquée ;




"4°) alors que l'affirmation selon laquelle les lettres des 29 mars, 28 mai et 23 juillet 2004 « comportaient à son égard des propos blessants et des attaques inutiles en usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties » est en contradiction avec les termes de ces lettres, contradictoirement versées aux débats et soumises à l'examen de la Cour de cassation, d'où il résulte que la société Applima n'a usé, à l'égard de sa salariée, ni de propos blessants, ni de la moindre attaque entrant dans la qualification de harcèlement moral et qu'ainsi la cassation est encourue pour contradiction de motifs ;




"5°) alors que l'usage légitime de son pouvoir disciplinaire par l'employeur est insusceptible, en tant que tel, de constituer l'élément matériel du délit de harcèlement moral ; qu'aucun abus de ce droit ne saurait être retenu par les juges correctionnels contre l'employeur ayant adressé à un salarié un avertissement motivé par le refus d'obéissance de ce dernier, arguant de la prétendue impossibilité d'effectuer une tâche dans les délais qui lui ont été impartis, pour refuser d'accomplir celle-ci, dès lors qu'ils n'ont pas, comme en l'espèce, constaté, par des motifs suffisants, la réalité de cette impossibilité ;




"6°) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur ont été soumis par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis ; que, comme le soutenaient Eric X... et Franck Y..., dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel et, de ce chef, délaissées, le grief tiré de l'absence de versement, par les employeurs à la salariée, d'une prime exceptionnelle pour l'année 2004 ne pouvait être retenu comme constitutif de l'élément matériel du délit de harcèlement moral, dès lors que cet élément n'avait pas été invoqué dans la citation ;




"7°) alors que, dans leurs conclusions régulièrement déposées, Eric X... et Franck Y... discutaient la portée des témoignages invoqués par la partie civile devant la juridiction correctionnelle, elle-même et ses témoins, et notamment François D... et Claudine G..., déboutés l'un et l'autre par la juridiction prud'homale de l'action qu'ils avaient engagée contre leur employeur, confortant mutuellement leurs actions judiciaires respectives, et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire des conclusions des prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;




Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de harcèlement moral, les juges du second degré énumèrent et analysent les faits et circonstances ainsi que les témoignages recueillis et les pièces versées aux débats dont ils déduisent que les conditions de travail de Florence Z... se sont dégradées en raison des agissements répétés des prévenus, qui ont outrepassé les limites de l'exercice de leur pouvoir disciplinaire, et ont porté atteinte aux droits, à la dignité et à la santé de la salariée ;




Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction et qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal ;




D'où il suit que le moyen doit être écarté ;




Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;




REJETTE le pourvoi ;




FIXE à 1 500 euros la somme qu'Eric X... et Franck Y... devront payer chacun à Florence Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;









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Président : M. Joly, conseiller doyen faisant fonction
Rapporteur : Mme Guirimand, conseiller
Avocat général : M. Fréchède
Avocat(s) : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Gatineau
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Président : M. Joly, conseiller doyen faisant fonction
Rapporteur : Mme Guirimand, conseiller
Avocat général : M. Fréchède
Avocat(s) : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Gatineau
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Président : M. Joly, conseiller doyen faisant fonction
Rapporteur : Mme Guirimand, conseiller
Avocat général : M. Fréchède
Avocat(s) : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Gatineau
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Président : M. Joly, conseiller doyen faisant fonction
Rapporteur : Mme Guirimand, conseiller
Avocat général : M. Fréchède
Avocat(s) : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Gatineau
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